Eloi aux Nuits Botanique: ‘Je vis mes relations amoureuses de manière très intense’

Nicolas Alsteen
© BRUZZ
24/04/2024

Olivia Schenker

Nouvelle star de la chanson française, phénomène hyperpop, Eloi jongle avec ses sentiments sur un premier album ouvert à toutes les possibilités. Entre urgence romantique et vagues à l’âme magnétiques, sa musique se dresse désormais en tête d’affiche des Nuits Botanique.

Véritable kaléidoscope, le premier album d’Eloi mélange les formes et les couleurs, bouleverse les sens et démultiplie les saveurs. Les morceaux enregistrés sur Dernier Orage se promènent ainsi avec le sac à dos chargé de références en tous genres. Eurodance, rap, gabber, chanson française, rock ou drum and bass nourrissent notamment l’imaginaire d’une artiste qui, du haut de ses 26 ans, cite indifféremment l’influence de Brigitte Fontaine, A$AP Mob, The Cure, Mansfield TYA ou Sexy Sushi.

« Les ingrédients qui interagissent dans ma musique sont plutôt liés à ma ligne du temps », confie Eloïse Leau, alias Eloi. « Tout dépend de ce que j’écoute sur le moment, de l’espace mental dans lequel je me situe. Tout ça évolue rapidement. À mes débuts, j’étais à fond dans le post-punk et la new wave. Puis, à force de sortir en club, j’ai intégré le breakbeat et la drum and bass. Mes productions découlent de ce rapport instinctif à la musique. »

Née en 1998, au cœur d’une France dopée par son triomphe à la Coupe du monde de football, Eloi a grandi au carrefour des cultures. Son père, le guitariste Jean-Marie Leau, a notamment prêté ses talents de compositeur à des artistes comme Zazie, Georges Moustaki ou Marie Laforêt. Sa maman, la productrice de cinéma Florence Dormoy, s’affaire pour sa part dans les coulisses de nombreux films et documentaires. « J’ai évolué entre un studio d’enregistrement et des lieux de tournage. Mais je n’avais pas du tout conscience de la notoriété potentielle des gens qui gravitaient autour de nous », raconte la chanteuse. « Je vivais tout ça avec insouciance. »

De là à décrire l’enfance comme une période dorée, il n’y a qu’un pas. Mais Eloi refuse de le franchir. « Sur le plan matériel, je n’ai aucune raison de me plaindre. J’ai évolué dans un environnement propice à toutes les pratiques artistiques. En ce qui concerne la dynamique familiale, en revanche, c’est une autre histoire... Mes parents se sont séparés quand j’avais trois ans. Le divorce, ça reste un truc banal. C’est un phénomène qui touche un couple sur trois. Mon cas n’a donc rien d’exceptionnel. Mais d’un point de vue émotionnel, j’ai longuement souffert de la situation. Quand on est enfant, on voit et on sent bien plus de choses qu’il n’y paraît. Moi, par exemple, j’étais extrêmement sensible. »

Du piano classique à Wejdene
Installée sur les bancs de l’École des arts décoratifs de Paris, Eloïse Leau s’essaie d’abord au cinéma d’animation, avant de s’orienter vers les cours dispensés en « image imprimée ». « C’est une formation qui touche aux domaines de l’édition et de l’illustration. Durant cette période, j’ai étudié le dessin, le mouvement, le montage, la narration, etc. » Rétrospectivement, c’est pourtant la musique qui joue le premier rôle formateur. « Quand j’étais petite, ma grand-mère maternelle m’a appris à jouer de la musique classique au piano. Puis, plus tard, je me suis intéressée aux techniques de production… »

'Cet album est une sorte de tempête émotionnelle. Il s’est construit autour de ressentis accumulés au fil des années'

Eloi

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| « Dans l’instant créatif, il n’y a rien d’intentionnel. Mais en réécoutant mes morceaux, j’apprends souvent des choses sur moi-même », dit Eloi.

Au printemps 2002, Eloi fait irruption dans nos vies en chantant ‘jtm de ouf’, une version mutante d’un tube populaire de la chanteuse R’n’B Wejdene. «J’ai repris ce morceau à force de l’entendre partout où j’allais. En l’enregistrant, je n’avais aucune attente. L’idée que cette reprise puisse devenir un succès, ça n’entrait pas du tout dans mes plans. » L’affaire tourne pourtant en boucle sur les réseaux. Voix pimpée à l’Auto-Tune, refrain branché sur un rythme exalté, Eloi reçoit d’emblée l’attention des médias qui, du jour au lendemain, lui accolent l’étiquette de nouvelle star de l’hyperpop. « J’associe ce terme à la musique électronique de Sophie et aux signatures du collectif londonien PC Music », dit-elle.

Entre déferlantes de synthés distordus, beats distillés en hyperventilation et voix féminines texturées à outrance, le courant hyperpop se porte également au chevet de la société de consommation, en puisant des idées dans l’univers de la pub ou dans celui de la cyberculture. « C’est quand même une vision assez extrême de la musique », souligne Eloi. « Je peux comprendre qu’on me rattache à ce mouvement. Mais je ne suis pas certaine de cocher toutes les cases du genre. »

Amour toujours
Dans le clip qui accompagne la sortie de ‘jtm de ouf’, Eloi défenestre une réplique de Kirby, un célèbre personnage de jeux vidéo. Entre deux refrains, elle défigure aussi une peluche à l’effigie de Winnie l’ourson. Sous ses airs de fête, sa reprise flaire la bonne excuse pour régler des comptes avec le monde de l’enfance. « Composer des chansons, c’est assurément un moyen d’exprimer des émotions. Dans l’instant créatif, il n’y a rien d’intentionnel. Mais après coup, en réécoutant mes morceaux, j’apprends souvent des choses sur moi-même. Chez moi, la musique est une forme inconsciente de catharsis. »

Sur l’album Dernier Orage, Eloi chante l’amour sous toutes ses formes, mais toujours dans l’excès. Le pied enfoncé sur l’accélérateur comme dans un remake du film Thelma et Louise, la chanteuse vit ses sentiments à fond les ballons et, surtout, sans concession.

« En grandissant, j’ai appris à mieux canaliser mes émotions », assure-t-elle. « Mais de base, c’est sûr : je vis mes relations amoureuses de façon super intense. J’ai besoin de ressentir un véritable engagement de la part de l’autre. Cela fait certainement écho à mon passif familial. Si l’amour est un thème omniprésent sur l’album, il doit aussi se comprendre au sens large. Parce qu’il touche à la fois au couple, à la famille et aux potes. »

Tourner la page
Capable de transposer les codes de la chanson française dans les décors fantasmés d’une rave party emo, Eloi déballe quatorze morceaux sous la pochette de son Dernier Orage. « Le titre du disque évoque le soulagement ressenti après les coups de tonnerre », explique-t-elle. « Pour moi, cet album est une sorte de tempête émotionnelle. Il s’est construit autour de ressentis accumulés au fil des années. J’avais besoin d’en parler. En ce sens, Dernier Orage est une façon de tourner la page et d’évacuer les blessures du passé. »
Résolument tournée vers l’avant, Eloi aménage actuellement son prochain album au cœur de son jardin secret : un lieu dénommé Novembre Éternel. « C’est le nom de mon label », précise-t-elle. « Dans ma vie, le mois de novembre a toujours été lié au début ou à la fin d’une histoire. C’est une période qui, à titre personnel, est associée à de grands chamboulements. En 2022, j’avais sorti un morceau intitulé ‘Novembre Éternel’. J’ai utilisé le titre de cette chanson à l’heure de créer ma propre structure. Dès mes débuts, j’ai ressenti le besoin d’être en contrôle. Monter un label, c’est l’opportunité de maîtriser tous les aspects du métier. Cela me permet de préserver mon indépendance et ma liberté d’action. »

En attendant le prochain mois de novembre, Eloi met aujourd’hui le cap sur le printemps avec, en ligne de mire, un concert aux Nuits Botanique. Assurément l’un des rendez-vous incontournables du festival.

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